Sélectionnez votre langue

Le panier est vide
Auto-car 1925 et ouvriers posant les rails en Ubaye
Transport routier versus le rail

L'arrivée du rail dans la vallée de Barcelonnette ?

Il était une fois l’épopée du rail des Alpes du Sud dans la vallée de Barcelonnette. Une sacrée belle aventure vous est à nouveau contée dans ce blog.
C’est un épisode historique marquant de notre chère vallée de l’Ubaye.

Dépôt des machines de Veynes, au temps du P.L.M., avant 1938

Le train en Ubaye, un pari colossal

La construction de ce projet fût un défi immense. Devoir tracer une ligne ferroviaire au milieu d’un relief alpin accidenté comme on peut l'imaginer. Respecter un pourcentage de pente n'excédant pas les 4% au milieu de ce relief montagneux est un challenge. Un chantier de grande ampleur.

Un défi gigantesque entre Hautes-Alpes et Alpes-de-Haute-Provence

Ce sont des moyens et des efforts colossaux pour percer des montagnes, enjamber des vallées, terrasser des rives, soutenir des flancs, des talus. Devoir tailler d'innombrables roches pour ériger des piles soutenant des viaducs. Fournir, nourrir et ravitailler une main-d'oeuvre nombreuse, acheminer une multitude de pierres de taille, transporter et évacuer des milliers de tonnes de mètres cubes de matériaux.

Pause photo pour les ouvriers sur le chantier d'un tunnel aux environs du Lauzet
La compagnie privée PLM futur concessionnaire de la ligne Chorges-Barcelonnette

Pourquoi un chemin de fer jusqu’à Barcelonnette

Tout a débuté en 1878 par le vote au parlement d’un Plan nommé Freycinet qui ordonnait que toute préfecture et sous-préfecture soient reliées par voie ferrée au réseau national.
La ville de Barcelonnette Sous-Préfecture des Basses Alpes doit forcément y être rattachée pour répondre à ce décret et soutenir les nombreuses garnisons militaires présentes proches de l’Italie en Ubaye. Comme celles basées au fort de Tournoux au-dessus du village de La Condamine-Châtelard.
L’embranchement au réseau national existant, pour Barcelonnette, se fera à Chorges sur la ligne Valence-Veynes-Briançon à partir de 1909.
Cette ligne depuis Chorges démarre à une altitude de 857 mètres pour finir à 1 135 mètres d'altitude à Barcelonnette soit un dénivelé de 278 mètres. Le tracé prévoit une ligne unique sur 42 km, avec l'édification de 27 ponts/viaducs, le percement de 11 tunnels, cumulant une longueur de 6 528 mètres, et la construction de 6 gares de croisement.
Conjointement à ce projet ferroviaire des études s'établissent pour réaliser un barrage à Serre Ponçon d’une surface plus réduite que celui d’aujourd’hui. En effet l’eau n’aurait pas atteint l’ancien village de Savines, sous les eaux de nos jours. Ce projet de retenue hydroélectrique sur la Durance pousse à modifier le tracé original plus en hauteur en 1911.

Le tracé de Chorges
à Barcelonnette

C’est la Compagnie des chemins de fer de Paris à Lyon et à la Méditerranée (PLM), société privée, qui en a la concession.
Modifié pour ce projet de lac artificiel de Serre-Ponçon. Le second tracé en 1911 se détache de la ligne Gap-Briançon au kilomètre 7703 km. Le départ de cette nouvelle ligne s’infléchit à droite en franchissant le torrent des Moulettes enjambé par le viaduc de Chanteloube (construit) puis le tunnel des Hyvans de 578 m (construit) pour déboucher sur le viaduc de Prego-Diou enjambant la Durance avec cinq piles (partiellement construites).
Le tracé se poursuit en souterrain sur 2 km par le tunnel du Sauze sous le Sauze-du-Lac. C’est alors qu’il débouche sur l’Ubaye pour remonter sur sa rive droite avec une succession d’une dizaine de petits tunnels et viaducs pour amorcer sur le dernier, dit de St Martin-la-Blache, creusé sur 1,6 km de long. Ce dernier débouche à proximité du village du Lauzet. Puis le long du Lac du Lauzet on crée une plateforme pour lancer le tracé qui réduira en partie la largeur du lac.

Le village du Lauzet et son lac, avant et après le chantier de la ligne, aux abords du lac du Lauzet, avec la plateforme de remblai. 
Sur la photo couleur on distingue le pigeonnier debout, alors qu'aujourd'hui on le voit par transparence dans l'eau lorsque vous glissez en Paddle chez Béa au lac du Lauzet.
Le train de chantier à la sortie du village du Lauzet direction Barcelonnette

Le Martinet arrêt définitif… tout le monde descend !

La construction du tracé pour Barcelonnette se poursuit encore sur 7 km jusqu’au village Le Martinet. Après une succession de murs de soubassement et de petits tunnels toujours visibles aujourd’hui. Les derniers 15 km pour rejoindre Barcelonnette, destination finale, ne seront jamais réalisés, C’est en 1935 que le chantier sera abandonné, avec une ligne inachevée.

Le Martinet en 1933

Le village du Martinet où se sont arrêtés les travaux de construction du chemin de fer de Chorges à Barcelonnette.
On voit sur cette photo, reprise d'une carte postale écrite en 1933, le bout de la plateforme de la ligne avec les wagonnets de chantier. De nos jours, la base Oueds & Rios est juste derrière les wagonnets en contrebas dans le bouquet de lilas.

Le village du Martinet en 1933 voire un peu avant
Randonnée ferroviaire en Ubaye (en savoir plus)

Randonnée ferroviaire en Ubaye

Petit apparté si vous êtes en vacances en Ubaye.
Cette randonnée ferroviaire vous transportera un siècle en arrière avec cette histoire incroyable de la construction d'une voie ferrée entre tunels et ponts aériens.
Une façon original et différente de faire de la randonnée. Une belle aventure physique et intellectuelle à partager en famille, après ou avant une belle descente en rafting sur l'Ubaye ou en hydrospeed, of course ;)
Voici le lien pour voir le tracé du rail, et toutes les infos pour réaliser cette randonnée ferroviaire :
Tracé de la voie ferrée et fiche technique pour la randonnée ferroviaire

UNE MENTION TOUTE SPÉCIALE AUX DEUX PLUS BELLES RÉALISATIONS D’OUVRAGES CONSTRUITS SUR LA LIGNE DE CHORGES À BARCELONNETTE.

Les viaducs de l'Ubaye

Viaduc de Chanteloube

Le viaduc de Chanteloube franchissant le ravin de la Moulettes, affluent de la Durance. Il n’existait pas à l’époque un viaduc aussi élevé que lui, tout en maçonnerie, d’une hauteur de 61 mètres, avec des arches à grandes ouvertures (6 arches de 27 mètres d’ouverture) et des piles assez minces (3m80 d'épaisseur à la base) réduisant les dépenses et la charge sur les fondations. Tout en ayant dessus, un tablier tracé en S sur une longueur de 300m

Le viaduc de Chanteloube en été 2022, avec - 17 mètres sous sa cote normale, exceptionnellement bas cette année-là.

 

Légende de cette photo : Le Viaduc de Chanteloube est toujours debout mais sous les eaux de Serre-Ponçon. Il était prévu pour le train, mais n'a jamais servi ainsi que tous ses tunels.
Le viaduc de Prégo-Diou avec ses immenses piles. Il se situait à la sortie du tunnel des Hyvans, on voit son orifice dans l’axe du viaduc. À l’opposé, la sortie du viaduc donnait sur l’entrée du tunnel du Sauze. On devine au loin sur la droite le viaduc de Chanteloube

 

Coffrage de la base d'un pilier du viaduc de Prégo-Dieu sur la Durance

Viaduc de Prégo-Dieu

Le viaduc de Prégo-Diou (Prie Dieu*) est un ouvrage magistral d'une longueur de 825 mètres et d’une hauteur de 72 mètres. Il enjambe la Durance en se reposant sur 5 grandes piles en maçonnerie (2 sur 5 seront inachevées). Le tablier prévu en métal ne sera jamais posé. Construction stoppée en 1935. L’ouvrage restera en l’état jusqu’à la construction du barrage de Serre-Ponçon en 1959. Sera détruit par une entreprise locale se proposant de le démonter gratuitement en récupérant les pierres de taille en échange.

 

(*) Paul Séjourné, l’ingénieur de l’ouvrage pensait qu’il pourrait avoir de possibles affaissements des piles. C’est pourquoi il déclara "Prions Dieu pour que ça tienne" D'où le nom de ce viaduc en patois local “Prego Diou”, sois Prie Dieu.

IMPACT D’UN RÉSEAU FERROVIAIRE DANS UNE VALLÉE

Un bouleversement sur l’économie locale

Le réseau ferré des Alpes du Sud a contribué fortement au développement économique de la région. Mais, dû à la concurrence du rail, les colporteurs ont été poussés à rechercher un emploi plus rémunérateur de leur vocation de voyageurs. Beaucoup d’entre eux ont tenté l’aventure au Mexique. Comme ailleurs dans nos campagnes, l’économie rurale engendre une spécialisation progressive. On délaisse les cultures qu’on peut se procurer ailleurs avec de meilleures conditions. Fini le lin et le chanvre et les vignobles d’altitude (jusqu’à 1050m en Ubaye). Les céréales sont abandonnées pour de l'élevage dans les vallées supérieures. Dans le Diois par exemple, l'élevage traditionnel fait place à la production de l’agneau gras élevé à l’étable. Dans les vallées plus basses Buëch, Durance et Var les produits issus du maraîchage et de l’arboriculture bénéficient du transport plus aisé et du tarif avantageux accordé par le réseau ferroviaire. La construction des barrages hydro-électriques, les zones industrielles (Argentière, St Auban), les cimenteries (vallée du Paillon près de Nice) ont été rendues possible grâce à la présence du chemin de fer.

La locomotive Georgette, de l'entreprise Orizet Frères de Nice. La seule qui ait été mise en service sur la voie de chantier lors de la de construction de la ligne pour Barcelonnette.
Recto de la carte postale
Le verso de cette carte postale écrite en 1913 exprimant l'arrivée prochaine du train en Ubaye jusqu’à Barcelonnette

Développement d’une nouvelle économie : le tourisme

Le tourisme et son développement ont été amorcés par la présence du réseau ferroviaire. Il est à la source de la réussite touristique du Briançonnais par les “express” réguliers assuré par le rail. Le Paris-Briançon est devenu une ligne quotidienne le long de l’année et fortement multiplié l’hiver. La preuve à l’inverse de l’essor tardif apporté au développement touristique de la vallée de l’Ubaye.

Illustration publicitaire sur les joies des sports d’hiver avec le train dans les Alpes

PROGRESSION DU CHANTIER FERROVIAIRE DANS LA VALLÉE DE L'UBAYE

“Le progrès en marche vers Barcelonnette". Une locomotive tractée par une tortue ironise sur la lenteur du chantier. Ce char gagna le 1er prix de la cavalcade organisée par le 15e bataillon de Chasseurs Alpins en juin 1928.

Un parcours chaotique

Les travaux interrompus par la guerre reprennent en 1915. En 1917, ils furent une nouvelle fois arrêtés par faute de main-d'oeuvre et de matériaux, mais redémarrent en 1919. On y aperçoit la présence de Kabyles de l’Algérie… territoire français, lesItalienss sont aussi de la partie, ils resteront pour une très grande majorité dans la vallée pour s’y établirent. Les chantiers dans les tunnels progressent difficilement… on parle à cette époque d’une lenteur désespérante. L’abandon du chantier en 1935. C’est en 1937 que le Conseil Général des Basses Alpes acte l’arrêt du chantier. Après avoir défrayé la chronique et la profonde déception de la population de la vallée de l’Ubaye.

SITUATION CONJONCTURELLE

Ralentissement et fin de la construction au Martinet dans la vallée de l’Ubaye

La Première Guerre mondiale freine la construction de cet immense projet. Les prisonniers de guerre allemands participent aux travaux durant cette période. La paix de retour, les travaux se poursuivent, la population retrouve l’espoir du train à Barcelonnette. Bien que les terrassements et la construction des ouvrages d’art pour la plupart aient bien progressé, voire ont été réalisé, en 1935 le sort en fut jeté.

Arrêt du projet du rail en Ubaye

LE DÉMANTÈLEMENT ET L’ABANDON DES PROJETS EN COURS DES TRACÉS FERROVIAIRES DANS LES ALPES DU SUD.

Une tendance générale

Les Alpes du Sud subissent l'appartenance à un pays centralisé et règles uniformes délaissant l’idée d’une politique particulière aux régions montagneuses. C’est aussi une période difficile par ces dépenses militaires. On peut imaginer dans ce contexte que localement les intérêts privés et la pression de groupes influents orientèrent plus facilement l’abandon du projet pour un autre.

À partir de quand ce démantèlement ?

C’est entre 1925 et 1951, mis à part le croisement de Veynes, l’embranchement Saint-Auban - Digne-les-Bains, et la ligne Nice - Digne, que tous les autres réseaux ont été abandonnés au transport des voyageurs. Abandon également d’une grande partie du trafic des marchandises (tramway Châtillon-en-Diois en 1927, tous ceux de la région de Nice, successivement fermés entre 1928 et 1932, etc.

La guerre a eu un impact sérieux sur l’avenir du rail. Double voie entre Veynes et Argentières supprimée. Des ouvrages d’art détruits pas moins de trois fois par les différentes armées en mouvement, les réseaux de résistance rien que sur la voie entre Nice et Cuneo. En 1940 : 8 tunnels, 11 viaducs ont été détruits. La ligne Nice-Meyrargues coupée en trois tronçons où la circulation fût suspendue en 1950, etc.

Quelles seraient les raisons de ce démantèlement ?

Mis à part les nombreuses destructions de guerre. L'abandon du réseau Sud Alpin s’explique aussi par les mêmes causes que sur le reste de la France : la concurrence de la route mais avec quelques précisions.

Les lignes supprimées ou abandonnées n’étaient pas rentables vu le dépeuplement croissant dans les zones rurales. Une autre raison est celle d’un réseau routier où la circulation était peu nombreuse qui offrait aux autobus un service plus rapide. Ce mode de transport proposait aussi l’accès à de nombreuses étapes.

Entre les deux guerres mondiales, tout est difficile pour le rail, pris déjà dans une situation économique conjoncturellement désastreuse. Le chemin de fer perd des parts avec la concurrence routière et aérienne. C’est la perte de la clientèle de passagers aisée qui est celle qui leur amène le plus de gain. Cette classe fortunée s’oriente sur le transport individuel en acquérant leur propre automobile ou en utilisant les services de plus en plus nombreux des “cars alpins” sur la route des Alpes. Cette classe de voyageurs préfère cette nouvelle façon de circuler qu’aux wagons enfumés, aux attentes dans les gares et aux réactions dites trop rigides des contrôleurs du rail.

Les “cars alpins” P.L.M assurant le transport et les excursions sur la route des Alpes.

La réaction du rail, par la modernisation des tramways et la venue de l’autorail a démontré le plus de confort et de vitesse. On améliore le temps du trajet de Nice à Digne de 5 heures à 3 heures.

Le groupe de pression que formaient les “routiers”, plus influents, aidé par la complicité d’hommes politiques affairistes puissants, ont facilement renversé en quelque sorte la vapeur à l’avantage du transport par la route.

C’est aussi un temps où l’opinion publique pouvait adhérer à ce changement dans un pays où l’automobile et son industrie était de plus en plus importante. La possession individuelle d’une voiture devient une envie au sein des foyers. Le rail en subit forcément les conséquences.

Durant la création du barrage de Serre Ponçon il s’en est fallu de peu que le maintien des lignes au-delà de Gap soit préservé. C’est grâce à l’usine Péchiney de l’Argentière, qu’elle fût conservée et que le tourisme du Briançonnais fut sauvé de peu.

Les “cars alpins” P.L.M assurant le transport et les excursions sur la route des Alpes.

 

 

Barcelonnette - Place Manuel l’été à l'arrivée des autocars de la route des Alpes

LES RAISONS DE L'ARRÊT DE LA LIGNE CHORGES BARCELONNETTE

Affiche publicitaire de la P.L.M. au col de Vars pour la Route des Alpes

L’essor de la route

Comme cités plus haut, une des raisons est le développement du transport routier mais aussi la pression créée par leurs partisans. Il est intéressant de souligner que la compagnie PLM aurait la concession du projet de ligne ferroviaire Chorges-Barcelonnette mais avait aussi un pied dans le commerce routier. Déjà à partir de 1910 une enquête d’utilité publique est menée sur la question des moyens de transport futur de la route. La compagnie des chemins de fer Paris-Lyon Méditerranée (P.L.M.), se prononçait comme candidate pour développer un service de transport routier. Le Touring Club de France (TCF) dès 1912 ne cachait pas sa satisfaction qu’une compagnie ferroviaire crée une ligne automobile sur route traversant les Alpes sur 600 km.

En effet, cette même compagnie proposait également de nombreuses lignes desservies par des autobus et possédait des hôtels liés avec ces derniers… La Route des Grandes Alpes, itinéraire de tourisme en étapes successives, fût un projet réalisé conjointement avec le Touring-Club de France et la PLM. Sans compter l’intervention d’un affairiste politicien qui était en “affaires” dans la compagnie de transports routier… conflit d’intérêts.

Les priorités militaires en berne :

L’argument militaire est aussi avancé comme raison de cet abandon. Puisque l’objectif de la création de cette ligne était aussi pour favoriser les mouvements de troupes. Puisque cette vallée de l'Ubaye reste l’un des points de franchissement les plus faciles pour traverser les Alpes. La priorité n’était plus la même entre les deux grandes guerres. Le ministre de la Guerre avait fait connaître son opinion à ce sujet dès 1934, que ce tracé ne serait plus “d’aucune utilité”.

Les Barcelonnettes du Mexique

Une autre raison parfois citée est l’action occulte de certains “Américains”, les Barcelonnettes. Émigrés du Mexique plutôt actifs à préserver leur berceau familial des dérives du progrès. Mais c’est aussi pour certains des investisseurs tout aussi actifs dans le commerce du transport routier.

On déclassa la ligne le 30 novembre 1941.

DÉFINITIVEMENT NOYÉ PAR LES EAUX

Le projet du barrage de Serre-Ponçon en 1955 prévoit de noyer les constructions de la ligne Chorges-Barcelonnette à la confluence de la Durance et de l’Ubaye. Autant les ouvrages et les plateformes de la ligne de Briançon furent déplacés plus en hauteur, ceux de Barcelonnette ne seraient pas déplacés ou remplacés. On noya l’ouvrage de Chanteloup, le tunnel de Hyvans, on détruisit les magnifiques piles de Prégo-Diou, et disparaitra sous les hauts le tunnel du Sauze de plus de 2 km, le plus long des Hautes-Alpes.

L’impact de la construction du barrage de Serre-Ponçon sur les tracés ferroviaires

Ce lien ci-dessous est intéressant. C’est un inventaire des traces des ouvrages du tracé ferroviaire, noyés par les eaux et les sédiments du lac de Serre-Ponçon :

www.tunnels-ferroviaires.org

L’impact de la construction du barrage de Serre-Ponçon sur les tracés ferroviaires
Sortie du tunnel de Saint-Martin-la-Blâche, côté Lauzet

Une brise d'espérance en 1976

On espérait après avoir vu la résurrection de deux lignes dans les Alpes-Maritimes. Celle de Cannes à Grasse et celle de la transfrontalière Nice à Cuneo. Le réveil d’un possible espoir pour l’Ubaye. Certains imaginent possible le déblocage ferroviaire de Barcelonnette, soit par le tracé de Chorges, originellement envisagé puis abandonné, soit carrément d’un nouveau chantier par le percement d’un tunnel sous le col d’Allos pour un embranchement à Thorame de la ligne de Nice à Digne. Cela ouvrirait forcément un avenir radieux aux stations de ski du Sauze et de Pra Loup avec la clientèle de la Côte d’Azur.

LE CONTEXTE NATIONAL

L’ampleur du démantèlement du rail sur le plan national

Sur toute la France, en 1934, lors de la création des décrets “coordination rail-route” qui autorisent le transfert sur route des services proposés jusqu’alors par le rail. C’est d’abord une amorce timide de suppression de lignes. Cette année-là seulement 230 km étaient fermés pour les voyageurs.

Mais c’est en 1938 lors de la constitution de la SNCF, sous le gouvernement du Front Populaire que le réseau ferroviaire subit une véritable razzia. Plus en France qu’ailleurs en Europe. En 1938, la SNCF ferme spontanément 4 238 km de lignes aux voyageurs. En 1939, c’est 4 155 km qui disparaissent au détriment des passagers. Tout cela ouvre la place aux services des autocaristes qui céderont progressivement à l’automobile individuelle après la Deuxième Guerre Mondiale. Les services marchandises subissent également le même sort progressivement avant leur liquidation après-guerre. En 1940, on poursuit cette suppression avec 1 403 km de ligne, puis en 1969 avec 1 721 km et en 1970 avec 1 365 km de rails.

Vue au loin de la sortie du tunnel de Saint-Martin-la-Blâche, côté Lauzet
Le tunnel du village de Roche Rousse au-dessus de l’embouchure de l’Ubaye

Traces du passé ferroviaire du lac de Serre-Ponçon à la vallée de l'Ubaye

L’état actuel, de Chorges à Barcelonnette

À partir de l’ancien terrassement libéré, suite à la déviation de la ligne de Briançon, on peut accéder par un aménagement au site du viaduc de Chanteloube, devenu lieu d’activités nautiques. La structure noyée par les eaux du barrage offre tout de même la visibilité de la rampe d’accès nord. Dès que le niveau du lac baisse, le tablier du viaduc apparaît ainsi que ses arches. Son accès est possible pour les randonneurs et permet parfois une traversée complète… Attention, site non sécurisé par l’absence des garde-corps.

Bien après le Sauze-du-Lac côté embouchure, les emprises des structures ferroviaires servent à l’axe routier reliant Savines-le-Lac au village du Lauzet sur Ubaye. Deux premiers tunnels servent en sens unique pour chacune des directions de la route. Un autre est transformé en entrepôt.

Après l’ancien village de Roche Rousse, la ligne devient un chemin de randonnée et de VTT, avec une succession de 2 tunnels. Puis la passerelle métallique de l’Enduchet construit au début des années 2000 remplaçant le pont en maçonnerie du même nom. Ce dernier fût dynamité par des Allemands en fuite vers l'Italie, poursuivis par les Américains lors de la Seconde Guerre Mondiale.

Puis on arrive sur l’entrée de ce fameux tunnel du Saint-Martin-la-Blache, long de 1,614 km enjambant à sa sortie l’Ubaye par un viaduc (photo) débouchant au Lauzet. Ce tunnel n’est pas éclairé et nécessite une lampe frontale pour le traverser. Il a été utilisé à une époque comme champignonnière fin des années 80.

À partir du Lauzet jusqu’au Martinet les plateformes et les soubassements de l’ancienne ligne ont été aménagés comme dédoublement de l’axe routier menant à Barcelonnette. On aperçoit sur la route d'admirables édifications de murs de soutènement en pierres de taille.

Juste avant le village Le Martinet, le tunnel de Bouille (644m) partagé de moitié pour affiner les tommes de la fromagerie de Barcelonnette et de l’autre où mature tranquillement le whisky “le Laverq” de la distillerie artisanale de Lachanenche-de-la-Fresquière sur la commune de Méolans-Revel.

Visible à l’entrée du village Le Martinet, le dernier ouvrage de ce chantier pharaonique, avec deux murs de soutènement qui porte la rampe d’accès pour la route qui mène au magnifique vallon du Laverq.

La base de rafting sur l'Ubaye Oueds & Rios est située à 20 mètres en contrebas où le dernier coup de pioche s’est réalisé lors de cette folle épopée du rail ubayenne.

Viaduc sur le défilé à l’entrée des Gorges Royales partie mythique en rafting sur l’Ubaye, en aval du village du Lauzet
“Whisky sous la montagne” son vieillissement dans un ancien tunnel ferroviaire

Tunnels mis en vente aux enchères en 1986

Acquisition des tunnels de l’Ubaye mise aux enchères à Digne dans les Alpes-de-Haute-Provence. Mise de départ pour chacun de ces ouvrages : 200 francs pièce.

Tunnel de Combas (198 m de long) Tunnel de Roche Rousse (236 m de long), de Derbezi (442 m de long) acquis par la commune du Lauzet à 50 800 francs / 7 744 €

Tunnel de Saint-Martin-de-la-Blache (1614 mètres de long) acquis par la commune du Lauzet à 56 500 francs / 8 613 €

Tunnel de Bouille (614 mètres de long) où fromagerie et whisky de nos jours s’affinent. Acquis par la commune de Méolans-Revel à 48 000 francs / 7 317 €

Une bataille perdue ou la singularité d’une vallée préservée

Imaginons ce qu'aurait été notre chère vallée de Barcelonnette avec une ligne ferroviaire. Il y aurait eu forcément une ambiance toute différente par la présence d’une telle installation en fond de vallée.

Dans d'autres bassins des Alpes où le train existe, son impact est visible. Il transforme des lieux naturels et bouleverse des sites.

Le réseau sépare une population, des lieux de passages, bien que des ouvrages comme les tunnels le rendent mieux intégrée. Le développement économique qu'aurait engendré le rail aurait eu un impact significatif sur le plan local. Les activités se seraientt développées ou pérennisées.

À contrario, on peut penser que d’autres secteurs auraient succombé par le transport sur rail, plus aisé, de certains produits manufacturés plus compétitifs sur l'artisanat ou culture locale. Le chemin de fer aurait peut-être apporté son cortège de nuisances : entreprises polluantes ou prélevant plus massivement les ressources naturelles (bois, carrière, élevage intensif, etc.). Une population plus nombreuse, des zones d’habitations plus vastes et plus denses. Des structures touristiques plus développées empiétant sur les zones naturelles. Le réseau routier se serait développé tout autant pour répondre à certaines attentes engendrant un impact désastreux en fond de vallée. Du coup, certainement une vision et une ambiance toute différente aux abords de notre belle rivière Ubaye, la naturelle.

Mais n’oublions pas ce que le train aurait pu apporter à la vie de la population de la vallée de l’Ubaye. Le rail aurait symbolisé une certaine ouverture et un accès plus aisé vers l’extérieur pour les ubayens sortants de deux guerres mondiales. On pourrait pu le voir comme l’accélération d’un désenclavement social et culturel et pour nombreux une qualité de vie plus confortable.

Une bataille perdue pour de nombreux ubayens et une vallée préservée pour ceux qui apprécient aujourd’hui la singularité de cette si belle vallée de l’Ubaye.

Quand l'homme n'aura plus de place pour la nature, peut-être la nature n'aura-t-elle plus de place pour l'homme.” (Stefan Edberg)

ILLUSTRATIONS-RÉFÈRENCES :

 . Jean-François André DELENAT :

https://ubaye-en-cartes.e-monsite.com/pages/les-chantiers/le-chemin-de-fer-de-barcelonnette.html

. Cartes Photos prise en 1920 par Casimir Riollan électricien au Lauzet (coll. Laurent Delimard)

. Les Chemins de fer dans les Alpes du Sud : passé, présent, avenir - Jean Guiter - Revue de Géographie Alpine/Année 1976 - Imprimerie Allier - Grenoble

. Florent COSTE contributeur Wikipedia