LES SPORTS D’EAU-VIVE,
UN MILIEU DE MECS ?
Le milieu spécifique de la descente de rivière est parfois jugé comme un environnement compatible à la nature masculine.
Évoquons ce qui pourrait confirmer ce sentiment interprété, un tantinet, comme sexiste et réduit.
Ressenti toutefois justifié lorsqu'on commence son apprentissage de la discipline reine en rivière : le kayak.
Le Kayak c'est tonique !
En France, la plupart du temps, l’activité kayak se pratique sur des torrents. L’eau y est fraîche et vive. Elle le reste tout autant lors de ses premiers dessalages. Devoir nager avec son kayak d’un côté et d’une pagaie de l'autre est parfois hardcore. Dévaler les courants en dehors de son esquif en touchant le fond avec les fesses ou les gambettes. On prend des coups, on collectionne les bleus et les ecchymoses. C’est ensuite l’épreuve du comment vidanger 350 litres de flotte de son kayak avec l'onglet au bout des doigts et le tout “magané” de notre baignade.
Le portage est également l’aspect viril et obligatoire de ce sport. Comme toute bonne squaw, tu te dois de porter ton esquif. Il fait partie intégrante de l’activité pour pouvoir accéder aux embarquements. C’est aussi le moyen de "porter" un rapide de classe supérieur à son niveau technique ou affectif. Le kayak sur l'épaule on évite la diificulté.
L’embarcation pèse son poids. En dehors des kayaks de compétitions aux alentours des 7 kg. Ceux d’une pratique classique ou extrême en rivière pèsent autour des 25 kg.
Pour ce qui est des autres désagréments inhérents à l'activité. Pratiquer le kayak est comparable à tous points de vue aux autres disciplines de plein air. La voile, l’alpinisme, le ski, le surf... On se confrontent aussi, très souvent, aux contraintes naturelles, climatiques parfois rudes.
Pas besoin d'être Rambo
Inutile non plus d’avoir le profil du déménageur pour performer en kayak. Bien au contraire, de la puissance certes, mais c’est par de la finesse que la magie de la glisse opère. Kayakistes de petits gabarits, mais de haut niveau, sont nombreux. Nouria, Jessica, Lynda, Aniol, Benny… ont franchi des rapides les plus monstrueux ou les chutes de plus de 30m. Le kayak n'est pas l‘activité la plus féministe où filles comme garçons portent la jupette !
Les filles représentaient en 2022, 29 % des licenciés à la Fédération Française de Canoë-Kayak.
En kayak c'est la finesse qui prime
En dehors d’être de belles leçons d’humilité fréquentes. Sortie de ces premières épreuves initiatiques,ces galères. On flirte rapidement dans de belles sensations. La glisse, le franchissement de vagues et de rouleaux, le surf, se laisser porter par les flots. C’est découvrir un pays, des riverains, partager en équipe des moments où se mêlent de nombreuses sensations. C’est bien entendu un immense privilège de pouvoir, également, côtoyer si intimement cette nature sauvage.
C’est aussi l’un des rôles de toutes ces embarcations gonflables insubmersibles proposées depuis une quarantaine d'années : l’approche rapide et ludique de la rivière.
Les filles, le guide et le rafting
Le guide de rafting ne compose pas forcément son équipage. On lui propose, il s'adapte.
Certains, selon leur capacité ou les conditions de navigation le jour J, préfèrent une certaine “nature” d’équipage. Le professionnel de la rivière adopte un style de navigation pour satisfaire son public et assurer sa sécurité.
Vous avez forcément une dynamique différente si votre raft se compose d’un groupe de motards, de rugbymans ou de danseuses. Il n'a rien d’anormal ou d’humiliant en l’affirmant.
Très franchement pour la plupart des guides d’expérience, le constat est sans appel. Avoir des filles sur un bateau c’est plutôt agréable. Cela appelle à un peu de douceur. On s’oriente vers une autre approche de la rivière.
Alors pourquoi un équipage de filles est plus agréable pour le guide ?
-1- Face à un nouveau challenge les filles font corps
Pagayer en équipe
Les filles savent fonctionner ensemble. Par intuition, elles comprennent l’intérêt de le faire. Avant d’embarquer, lors des consignes, il est dit “vous devez pagayer ensemble, tout en rythme !”.
Les filles en figures de proue !
Vous remarquerez très souvent qu'en plaçant deux filles à l’avant du raft. La synchronisation sera bel et bien présente. Ce sera un équipage synchrone très rapidement.
Spontanément, elles perçoivent l’intérêt de pagayer, de tracter sur la pagaie en rythme. Ainsi, ça augmente la puissance et la glisse du raft. Il n’est pas nécessaire de “ramer” comme une brute. Vous n’avez pas à pagayer aussi fort. La force c’est le collectif !
Les hommes à l'avant...en figuration ;)
“J’aime pas les garçons”… Tenter l’exercice inverse avec deux mâles alpha à l’avant. Et bien très souvent, c’est la course, entre eux, l’affrontement. Placés à la proue, ils essayent de pagayer plus vite que le coéquipier ou le reste de l’équipe. Est-ce qu’ils essayent de séduire les filles, le guide ? Démontrer son engagement, sa volonté au “capitaine” ? Mais peut-être aussi, très légitimement, tout faire pour préserver l’intégrité physique de sa petite famille.
Possèder le bon rapport poids-puissance
Le ratio poids-puissance est un équilibre important sur un raft. Ne pas le respecter donne une sorte d’inertie incontrôlable sur la navigation. On accumule une vitesse, non maîtrisée, engendrée par une masse dévalant une pente, le rapide.
Un bodybuilder, un rugbyman lourd par sa masse musculaire, ne donnera pas suffisamment l’énergie pour déplacer l’intégralité de son poids. On accumule plus une masse en mouvement qu’une vitesse pure.
Comparativement, une fille, plus légère, appliquée, avec une course et une synchronisation parfaite de son coup de pagaie, sera plus performante.
“Quand on rame, c’est galère. Quand on pagaie, c’est pas triste.”
De loin ou à l'intérieur d’un équipage, vous constaterez la fluidité d’un raft sur l’eau. Quand ça navigue ou pas ou entre un équipage qui fonctionne et celui qui n’adopte pas cet esprit de cohésion.
Quelques règles à savoir en rafting
Par exemple avec un rythme de pagaie saccadé, désynchronisé, alternatif. C’est perdre en vitesse et en glisse. C’est un guide qui a du mal à tenir ses trajectoires, on se pose sur les roches, on dérape dans les courbes. C’est poussif, le coup de pagaie est lourd et le guide souffre. Le fait de pagayer désynchronisé épuise tout le monde.
Il est plus facile de tracter simultanément, ensemble, le poids que forment un raft et son équipage. La glisse du raft n’est pas un mouvement linéaire. L’embarcation se déplace par poussées, par bond, à chaque action sur la pagaie. Si vous vous trouvez en dehors de cette énergie collective, d'une manière alternative, c’est toute la masse du raft que vous sentez dans vos propres bras. En fin de compte vous pagaierez seul.
Imaginez, quelques siècles en arrière, à ramer en dehors du rythme sur une galère romaine. Mis à part les coups de fouet sur le dos, ce sont vos bras qui souffrent.
L'art de pagayer
L’art de pagayer c’est atteindre cette sensation d’un toucher d’eau agréable avec la pale. C'est fluide, grâce à cette synergie collective. C’est également adopté un rythme où la vitesse donnée permet une belle amplitude dans la course de la pagaie. En rythme, tous ensemble, vous percevrez au bout de votre pagaie le plaisir de pagayer.
Toute personne est utile dans une équipe… placée correctement à son poste.
Acte peu compris, il nous est arrivé très souvent lors de la composition des places dans un raft mixte. De placer deux filles à l’avant dès le départ. Forcément, cela engendre une surprise chez les mâles présents… punaise un guide wok ! Toute une année à pousser de la fonte en salle pour être mené par deux gonzesses ! Bien entendu, la meilleure pédagogie c’est la démonstration. Faites l’exercice en essayant deux filles puis deux garçons. En contribuant à une certaine légèreté sur la spatule avant. Le bateau glisse et pivote plus facilement.
Sans un mot, sans un bruit, chacun pourra ressentir que… ”dans la troupe… la meilleure façon de pagayer, c’est sûrement la nôtre”
-2- Les filles savent gérer l'effort
La gestion de l’équipage appartient avant tout au guide sur le raft. C’est une de ses nombreuses fonctions. Économiser et optimiser le potentiel de son équipage. Et cela du début de la descente de rivière en raft sur l’Ubaye, jusqu’à la fin.
L'embarcation doit être propulsée correctement. Seule l’énergie du guide ne suffit pas pour maîtriser la navigation.
“Big Jim utilise l’unique groupe musculaire essentiel à ses yeux… ses biscotos”
Les filles pagaient plus longtemps d’une manière plus régulière. Elles connaissent leur potentiel sans en abuser pour impressionner. Ils nous arrivent très souvent dans la gent masculine originaire d'une région aux accents chauds ou d’une autre aux accents pointus. D’avoir subitement plus grand-chose sous la semelle à mi-parcours.
Les filles écoutent et comprennent l’importance de suivre les conseils. Pagayer autrement qu’avec les bras permet de travailler différents groupes musculaires. En utilisant tout son corps avec une position ou un mouvement précis, on évite de solliciter, de trop, un muscle.
“Gainer son corps, c’est “fit” le rafting !”
Beef sature trop vite, par contre Eglantine gère. Les filles s’appliquent sur une bonne technique de pagaie. Une course de pagaie avec une accroche en amplitude sur l’avant et court sur l’arrière.
Inutile avec sa pagaie, de frapper ou de soulever de l’eau en début et fin de propulsion. En assimilant toutes ces précautions. Les filles conservent plus facilement leur quantité d'énergie du premier au dernier rapide.
-3- Les filles écoutent
Découvrant parfois un milieu qu’elles découvrent pour la première fois, les filles ont une approche de l’activité toute en humilité. La rivière peut sembler hostile, étrangère. Elles observent et écoutent le guide pour évaluer si le contrat de confiance peut s’établir. Rassurées, elles s'appliquent sur les consignes données. Tout faire pour respecter les instructions, être à la hauteur du challenge qu'elles se sont donné. Les filles sont toujours plus ouvertes à ce qui se passe autour d’elles.
Alors une fille comment ça marche ?!?
Par des relevés d’IRM et scanners. Des études ont observé, dans leurs activités, l’état du cerveau de l’homme et de la femme. Ces expériences attestent que du côté de l’homme au repos, 30% de l’activité de son cerveau est activé. Par contre chez la femme, il continue de fonctionner à 90%.
Elles captent et analysent toujours les informations extérieures. Elles sont donc plus attentives. Elles le seront d’autant plus en présence de leurs enfants.
“Les filles n’ont pas un cerveau, elles en ont 2 ! les garçons...”
L’utilisation du cerveau est différente chez les hommes et les femmes, c’est un fait.
Les filles mobilisent les deux parties du cerveau pour l’audition.
“Commencer à réfléchir c’est désobéir !”
Chez les hommes en revanche, c’est l’utilisation de l’hémisphère gauche, propre au langage et la logique. On dit que cette partie du cerveau ne traite que d’une info à la fois. Sa fonction est précise : une question a une réponse. Une trop grande sollicitation de cette fonction limite l’expression de la créativité et de trouver une solution à un problème global. L’instruction scolaire, le modèle social promu, pousse à développer cette fonction cérébrale. Ce seront des personnes s’intégrant plus facilement dans le moule et plus à même d’accepter le quotidien.
Toutefois, cela aide pour planifier des actions afin d’atteindre des objectifs.
Les garçons seront donc plus monotâches avec une attention et une compréhension plus restreinte. Ça permet de se focaliser sur une seule tâche sans se déconcentrer.
Par contre, le cerveau droit favorise au contraire une gestion multitâche et compliquée. Il pousse à une vision globale engendrant plusieurs solutions à un exposé. Il encourage la créativité, la sensibilité, un sensoriel développé, plus d’empathie. Intégration sociale moins évidente, car plus encline à penser par elle-même, hors du cadre social. Favorise plus à un certain isolement et une certaine indépendance. Contribuant plus facilement à l'incompatibilité avec le système scolaire classique.
“Les filles prennent le soin d’analyser… les garçons sont pressés d’agir… de jouer”
Bien que le mécanisme de fonctionnement général des oreilles soit le même pour les deux. C’est véritablement les ondes sonores perçues qui sont analysées et interprétées d’une manière différente chez lui ou elle.
Cela amène à expliquer pourquoi les réactions émotives et physiologiques sont différentes. L’usage du cerveau chez les hommes fait qu’ils décortiquent moins les informations et réagissent face à des actes concrets.
Les femmes de leur côté par une plus grande mobilisation du cerveau, sont plus dans l’analyse du détail avec une plus grande capacité d’attention, d’écoute. On constate chez les filles une plus grande tendance à la compassion. Et pour ce qui nous concerne sur l’eau, une expression supérieure des émotions.
On distingue une perception de l’audition différente chez les filles. Une sensibilité de leurs oreilles internes plus aiguë. D’un autre côté, les hommes doivent plus se concentrer sur l’écoute et la compréhension de l’information. Un son proche de l’oreille masculine se perçoit plus qu'un bruit lointain, par exemple. À partir de la trentaine, l’homme se retrouve en déficience auditive deux fois plus rapidement que chez la femme. Après la cinquantaine, cette différence de perception auditive s'équilibre entre les deux sexes.
-4- Les filles ressentent des choses que les garçons ignorent
En agissant ainsi sur les 3 premiers points, l’harmonie opère, la navigation fonctionne au sein de l’équipage du raft. Les résultats sont là, la confiance s’installe. On peut désormais profiter et ressentir plus sereinement l’environnement.
“L'art est un appel auquel il y en a trop qui répondent sans avoir été appelés.”
Les coups de pagaie orientés
Dans certains cas, on doit corriger ou orienter sensiblement le raft vers un côté pour se présenter correctement dans un rapide. On peut commencer à approfondir les consignes individuelles, pour améliorer l’action collective. On s’oriente alors sur des coups de pagaie dits “orientés”. Ils sont différents selon la place de l’équipier. Chacun à son poste déclenche par son action une action sur l’ensemble du raft, une synergie. Le mouvement de la pagaie en position “d’appel” est le parfait exemple. Une personne qui fait l’appel d’un côté devient le point de pivot de la rotation du raft. Simultanément à l'opposé, pour améliorer cette action, on lance un coup de pagaie circulaire. Et à l’arrière du côté de “l’appelé”, une propulsion. La personne qui “plante” l’appel à quasi toute la masse du raft dans les bras. Les mouvements simultanés de la pagaie de ses équipiers soulagent et optimisent sa traction puissante sur l’appel. Chaque action individuelle, chaque orientation de pale agit dans le même axe, pour déclencher une orientation du raft sans lui faire perdre de la vitesse. L’art de naviguer toute en glisse.
“Petit Scarabée, la Grande Roue de la Vie est tournée inexorablement par les étoiles infinies. Sois sûr qu’on ne peut tromper la vérité” - Maître Po, “Kung Fu”.
Le Rafting tout en douceur
Avoir un équipage performant, à l’écoute, confiant, permet par moment, de stopper, poser la pagaie. On se laisse porter par les flots. Atteindre la pleine conscience de son environnement. On laisse agir naturellement les différents courants sur l’embarcation. Se servir des différents éléments de la rivière. Virevolter, juguler sa vitesse en effleurant un contre-courant. Épouser le rocher puis l’enrouler pour s’en séparer. Se poser délicatement sur les lèvres d’une déferlante pour projeter la ligne de sa trajectoire. On tente un petit collé serré pour gîter et alléger une partie du raft. Une fente de côté, en toute légèreté, en surf arrière au creux d’une vague. Avec une telle énergie cinétique que génère le poids d’un raft et son équipage.
On doit transformer la puissance de l’adversaire en partenaire. Une bonne gestion de l’effort c'est également ça.
En conscience sur la rivière
En atteignant cet équilibre, le guide de rafting fait ressentir à son équipage, ces instants où la rivière nous accompagne. C’est l’occasion pour se relaxer, contempler et ressentir les éléments, la testostérone en sommeil et le stress mis de côté.
Bon les gars, le message est clair, je crois. Il va falloir exprimer la femme qui est en vous !
À notre prochaine rencontre, pour atteindre cette grâce, essayons d’aspirer à se rappeler tous ces préceptes.
Rappelez- vous aussi qu’il n’y a pas de mauvais ou bons équipages sans mauvais ou bons guides !